La fièvre, la fatigue ou les maux de tête après une vaccination à l’AstraZeneca montrent que le corps développe des anticorps contre le coronavirus.

COVID-19 – Au milieu des ARN messager Pfizer/BioNtech et Moderna, le vaccin anti-Covid-19 AstraZeneca fait figure de vilain petit canard. À compter de ce jeudi 25 février, la campagne de vaccination avec le sérum britannique, efficace à 80% au bout de deux doses, s’ouvre en entreprise pour les salariés âgés de 50 à 64 ans. Les personnes vulnérables de 50 à 64 ans peuvent aussi théoriquement commencer à se faire vacciner chez les médecins libéraux. Mais depuis plusieurs jours, des voix se font entendre pour déplorer les effets secondaires liés au nouveau vaccin à vecteur viral, accessible aux soignants depuis le 6 février.

Fatigue, maux de tête, frissons, vomissements, et surtout, fièvre… dans son rapport daté du 19 février, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) relevait 149 patients ayant développé des effets secondaires après une première injection du vaccin AstraZeneca entre le 6 et le 10 février dernier. Sur un total de 10.000 personnes vaccinées avec ce sérum durant cette période, la part de patients ayant développé des effets secondaires est très faible, soit de 1,5% environ.

Mais suffisamment élevée toutefois pour entraîner une désorganisation de certains hôpitaux, note l’agence, allant parfois jusqu’à la suspension des vaccinations dans certains centres à Brest, Saint-Lô, Morlaix ou Paris. Ce, en raison de la mise à l’arrêt d’un nombre trop élevé de soignants ayant développé des symptômes grippaux en même temps. Outre la désorganisation des soins qu’ils engendrent, faut-il s’en inquiéter ?

Les effets montrent que le vaccin fonctionne 

“Surtout pas”, tonne Jean-Daniel Lelièvre, chef de service des maladies infectieuses de l’Hôpital Henri-Mondor à Créteil et expert vaccins à la Haute autorité de santé, contacté par le HuffPost. Car en plus d’être bénins, les effets secondaires montrent que le vaccin fonctionne. “Ils correspondent à la mise en place de l’immunité innée, poursuit le spécialiste. Pour qu’il y ait une immunité, il faut qu’il y ait des anticorps et des cellules immunitaires qui protègent l’organisme de l’agent pathogène.”

En clair, le vaccin pousse le corps à réagir en créant des anticorps immunisants contre le SARS-COV-2. Pour Jean-Daniel Lelièvre, ces effets secondaires sont semblables à ceux des maux de ventre, après l’ingestion d’un antibiotique. Et ne peuvent être comparés à des effets secondaires plus inquiétants, comme les troubles neurologiques liés à la campagne de vaccination anti-H1N1 en 2013. Et le spécialiste du vaccin de s’interroger: “La question, c’est de savoir si vous acceptez d’avoir 24 heures de réaction désagréable pour un produit qui vous protège.” 

D’autant que les effets indésirables “tout à fait normaux et banals”, pointe Jean-Daniel Lelièvre, étaient attendus et avaient été anticipés lors des essais cliniques. Dans son rapport de pharmacovigilance, l’ANSM pointe bien des effets “identifiés et caractérisés dans les essais cliniques”, “transitoires et réversibles en 2 à 4 jours”. Attention, ne rien ressentir après l’injection ne signifie pas non plus que le vaccin ne fonctionne pas, “car chaque corps réagit différemment à un produit étranger,” prévient Jean-Daniel Lelièvre. 

Une réaction plus forte chez les moins de 75 ans 

Pourquoi, alors, moins d’effets secondaires ont-ils été recensés avec les vaccins Pfizer/BioNtech et Moderna? Les techniques utilisées diffèrent: alors que l’AstraZeneca est un vaccin à vecteur viral, c’est-à-dire qu’il prend comme support un autre virus, à savoir un adénovirus commun chez le chimpanzé, les vaccins Pfizer et Moderna se servent, eux, de l’ARN messager, une technique qui consiste à injecter dans les cellules des brins d’instructions génétiques pour qu’elles fabriquent des antigènes spécifiques du coronavirus. ”Avec le Pfizer et Moderna, c’est comme si on avait fait une copie de la maladie, mais en enlevant la partie pathogène, décrypte auprès du HuffPost Benjamin Davido, référent vaccin à l’hôpital de Garches (Paris). C’est donc une réponse beaucoup plus naturelle qui explique, entre autres, pourquoi on tombe moins malade.”

L’âge joue également un rôle dans le développement d’effets secondaires. Les vaccins Pfizer/BioNtech et Moderna sont réservés aux plus de 75 ans, aux soignants de plus de 50 ans et à ceux ayant des pathologies à haut risque, tandis que les doses AstraZeneca s’adressent à un public plus jeune, de 50 à 64 ans actuellement. Or, selon Jean-Daniel Lelièvre, la réponse inflammatoire est plus forte chez les jeunes, expliquant le nombre plus élevé d’effets indésirables avec AstraZeneca que pour Pfizer/BioNtech ou Moderna. “Les personnes jeunes sont mieux immunisées, et créent davantage d’anticorps”, relève-t-il. 

D’autant que les moins de 75 ans ont vraisemblablement davantage été contaminés au Covid-19 que les plus âgés et ont donc déjà développé des anticorps.D’après le point épidémiologique daté du 11 février de Santé publique France, à la semaine 14 de l’année 2020, le taux de positivité chez les 65-74 ans atteignait un peu plus de 16% au niveau national. Il s’établissait à 12% pour les 75 ans et plus au même moment. “On développe une réponse plus forte au vaccin lorsqu’on a déjà développé des anticorps”, reprend l’infectiologue Benjamin Davido. Pour lui, la proportion de personnes ayant des effets secondaires après avoir reçu une dose d’AstraZeneca correspond majoritairement à la part de personnes vaccinées qui avaient déjà développé des anticorps mais pas de symptômes. 

Une pharmacovigilance renforcée en France 

Enfin, rappelle Benjamin Davido, la pharmacovigilance (la surveillance des effets secondaires nocifs éventuels d’un médicament) en France est renforcée par rapport à d’autres pays, le Royaume-Uni notamment. “Chez nos voisins britanniques, les effets indésirables sont passés plus ou moins inaperçus, souligne-t-il. Ce n’est pas le cas en France parce qu’on est un très bon élève, avec une pharmacovigilance particulièrement efficace”. Et de qualifier l’apparition d’effets secondaires de “non-événement”. 

Il n’empêche. Les craintes autour des effets secondaires ont relancé le débat sur l’efficacité du vaccin AstraZeneca, inférieure à celle de Pfizer/BioNtech (95% après deux doses) et de Moderna (94,5% après deux injections). Mais aussi sur son action sur les variants du Covid-19, qui continuent d’augmenter parmi les contaminations totales. Une étude réalisée par l’université du Witwatersrand à Johannesburg et publiée le 7 février affirmait ainsi que le sérum britannique offrait “une protection limitée contre les formes modérées de la maladie dues au variant sud-africain chez les jeunes adultes”. 

En France, le variant britannique est responsable de 20 à 25% des contaminations, tandis que les mutations sud-africaines et brésiliennes représentent respectivement 4% et  5% des infections, a récemment expliqué le ministre de la Santé Olivier Véran. La souche originelle du Covid-19 reste donc majoritaire. “Si on arrête la vaccination à l’AstraZeneca par peur d’une moindre efficacité contre les variants, on risque de passer à côté de tous ceux qui développent la forme initiale de la maladie”, alerte Benjamin Davido. 

“Ce n’est pas un vaccin de seconde classe”

Même en cas d’efficacité réduite du vaccin contre les variants, vacciner reste la meilleure des solutions pour s’en protéger. “Plus on vaccine, plus on va en attraper”, martèle l’infectiologue. Il plaide donc pour un déploiement massif d’AstraZeneca dans la population générale, faisant écho aux propos de plusieurs autres spécialistes: l’infectiologue Odile Launay expliquait notamment sur Franceinfo ce lundi 22 février qu’il fallait “absolument se faire vacciner”, même en cas “d’efficacité un peu moindre” et d’effets secondaires. “Ce n’est pas un vaccin de seconde classe a également martelé le Professeur Alain Fischer, coordinateur en France de la campagne de vaccination la semaine dernière.

Olivier Véran lui-même s’était fait vacciner devant les caméras dans un centre de vaccination de Melun (Seine-et-Marne) début février, dans le but de montrer l’exemple et rassurer les personnes réfractaires au vaccin, en particulier à celui d’AstraZeneca.

huffingtonpost