Imaginez que vous deviez subir un acte chirurgical risqué et que la procédure puisse d’abord être testée sur votre double virtuel pour minimiser les risques. Ce jumeau ne serait pas fait de chair et d’os, mais de bits et d’octets : il reproduirait par exemple, le fonctionnement de votre cœur et aurait votre code génétique. Nous avons rencontré les chercheurs à l’origine de ce concept d’avatar numérique.
“Prédire un résultat”
L’humain virtuel, d’après ses concepteurs, pourrait bouleverser la médecine et révolutionner les soins. Au cœur du projet : le Centre d’excellence CompBioMed financé par l’Union européenne et dirigé par le professeur Peter Coveney, directeur du Centre de sciences numériques au sein de l’University College London. “Il ne fait aucun doute que ce double virtuel sauvera des vies : cela s’explique par le fait qu’il est capable de prédire un résultat avant sa survenue,” souligne-t-il.
Andrea Townsend-Nicholson, professeure de biochimie et de biologie moléculaire au sein de la même université, participe au projet. “Nous construisons l’humain virtuel élément par élément,” indique-t-elle. “C’est révolutionnaire parce que cela permet de visualiser un système : on voit le patient dans sa globalité,” fait-elle remarquer.
Le projet combine des données spécifiques sur les organes tirées par exemple de radiographies, de scanners et d’examens IRM et d’autres informations notamment génomiques pour créer un avatar personnalisé.
“Prenons l’exemple d’une femme,” nous montre Andrea Townsend-Nicholson devant son écran en faisant défiler les images.
“On peut voir tous les différents systèmes que l’on est capable d’observer et qui ont été élaborés grâce à des données qui peuvent être intégrées à un ordinateur : cela va des caractéristiques de son génome jusqu’à l’état de son squelette,” énumère-t-elle.
En amont d’une opération chirurgicale
Pour donner vie aux organes virtuels, les scientifiques ont développé toute une série de programmes et d’algorithmes dédiés.
Peter Coveney, coordinateur du projet CompBioMed, nous présente une image sur son écran : “Ce cœur virtuel présente tous les détails du cœur de la personne en question et il peut être utilisé en amont d’une opération chirurgicale s’il y a un problème d’arythmie ou de crise cardiaque : comme cela, le chirurgien peut préparer la procédure et augmenter son effet positif,” affirme-t-il.
Reproduire virtuellement quelque chose d’aussi compliqué que le corps humain nécessite de disposer d’une puissance de calcul immense.
Le supercalcul en renfort
Situé à Garching près de Munich, le Leibniz Supercomputing Centre (LRZ) attaché à l’Académie des sciences de Bavière apporte sa contribution en menant des simulations informatiques de pointe. Le SuperMUC-NG est le supercalculateur le plus puissant d’Allemagne.
“Les supercalculateurs sont conçus pour réaliser d’énormes modélisations et simulations,” précise le professeur Dieter Kranzlmüller, président du conseil des directeurs au LRZ. “La puissance de calcul actuelle de notre SuperMUC, c’est ce que l’on aura probablement dans vingt ans sur nos iPad ou nos smartphones,” estime-t-il avant d’ajouter : “Nous essayons de simuler aujourd’hui ce dont nous aurons besoin pour la médecine personnalisée dans les hôpitaux dans 15 ou 20 ans.”
Les scientifiques sont aujourd’hui capables de visualiser par exemple, les globules rouges dans la circulation sanguine.
“Nous disposons de modèles d’artères très élaborés où l’on peut voir comment les cellules sanguines circulent à l’intérieur, où il y a des rétrécissements,” déclare Gerald Mathias, responsable support d’application au LRZ. “C’est toujours important de faire en sorte que les données que l’on obtient grâce aux calculs soient illustrées et que l’on puisse les visualiser,” insiste-t-il.
“Un principe pour organiser la médecine du XXIe siècle et au-delà”
Ce projet d’humain virtuel a pour objectif de lutter contre toutes les maladies humaines dont la Covid-19.
Il vise aussi à aider les patients à mieux prendre soin de leur santé.
“Pour moi, l’humain virtuel, c’est un principe central pour organiser la médecine au XXIe siècle et au-delà,” assure Peter Coveney, coordinateur du projet CompBioMed.
Ces chercheurs européens s’inscrivent dans une tendance de fonds : miser toujours plus sur le virtuel pour mieux soigner dans le monde réel.
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